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Chacun a entendu parler du fameux canon de Rochechouart, celui qui a salué la naissance du roi de Rome en 1811 et l’armistice du 11 novembre 1918, celui qui a été l’annonciateur de toutes les festivités à Rochechouart, notamment celles du 14 juillet et qui s’est désormais muré dans le silence depuis quelques années pour des raisons de sécurité, mais dont la notoriété dépasse encore de très loin les frontières de la commune...
Très peu de gens par contre connaissent l’histoire du canon de 77 allemand, donné par le gouvernement français à la ville de Rochechouart, à la fin du conflit de 1914-1918, en reconnaissance pour les sacrifices consentis par notre ville, et notamment ses enfants morts au combat lors de cet effroyable affrontement.
Ce canon, pris à l’ennemi par nos troupes, symbole de la victoire, était exposé depuis ce jour, dans la cour du château.

Canons de 77 allemands pris à l’ennemi, exposés place Stanislas à Nancy. C’est un canon de ce type qui sera offert à la ville de Rochechouart à la fin des hostilités.






L’incroyable décision du conseil municipal


Mais quelle mouche a donc piqué les membres de l’assemblée municipale et le maire M. Jean Parvy en cette journée du 15 juin 1929, pour prendre une décision aussi invraisemblable, décision uniquement motivée par un désir de règlement de comptes envers des adversaires politiques ?
Dix années seulement après la fin des hostilités, alors que chaque famille rochechouartaise a été touchée dans sa chair par la disparition ou la mutilation d’un proche, le conseil municipal a décidé de la vente aux enchères publiques -en même temps et au même titre que différents morceaux de ferraille-, du fameux canon de 77 allemand, symbole de la victoire et témoin de toutes les souffrances liées à la guerre...





La première tentative de vente du canon


Malgré les protestations de la société des Mutilés, Réformés et Anciens Combattants de Rochechouart, le canon est mis en vente en séance publique, le 17 novembre 1929 à 9 heures 30, salle de la mairie.
La mise à prix de 500 francs n’ayant produit aucun résultat, celle-ci est abaissée en vain à 400 francs. Alors que les divers morceaux de ferraille en vente dans un premier lot, ont trouvé preneur, le canon, lui, n’a pas trouvé d’acquéreur....
Une deuxième mise en vente est alors décidée pour le mois de décembre 1929.
À la suite de cet échec, la société des Mutilés qui souhaitait conserver et assurer la garde du canon, sollicita alors par écrit, la médiation du Sous-Préfet de Rochechouart.
Ce dernier, par courrier en date du 29 novembre 1929, formula une requête auprès de l’assemblée municipale et de son maire, consistant à céder gratuitement le canon de 77 allemand à la Société des Mutilés, Réformés et Anciens Combattants de Rochechouart.
L’affaire aurait pu en rester là et de ce fait ménager les susceptibilités de toutes les parties.... Mais cette intervention fut très mal accueillie par le maire Jean Parvy, qui, après en avoir donné lecture lors du conseil municipal du 1er décembre 1929, considéra que cette demande passant par le canal de M. le Sous-Préfet, prenait un caractère de pression inadmissible, pour une décision qui ne devait relever que de la seule administration municipale.
La deuxième mise en vente du canon était donc maintenue pour le mois de décembre 1929.
Certains “ultras” se réjouissaient de cette décision déclarant à qui voulait les entendre : “S’ils veulent le canon, ils le paieront au poids de l’or !!!”.
D’autres ayant participé à la décision initiale et n’en ayant pas mesuré les conséquences, tentèrent de se dédouaner en invoquant maladroitement la récupération d’un peu d’argent pour le projet d’électrification des campagnes ou l’amélioration de l’ordinaire des cantines scolaires !!!..







Échec de la deuxième tentative de vente du canon


Contre toute attente, le canon de 77 allemand est donc remis à la vente aux enchères publiques et à l’extinction des feux, le 21 décembre 1929 à 15H30.
Malgré la mise à prix réduite par échelons de la somme de 500 francs à la somme de 300 francs, le canon ne trouva pas d’acquéreur....
Il est vrai que la tension produite dans la ville entre les habitants et l’ampleur de la protestation provoquée par la décision de vente de ce symbole de la victoire avait sans doute dû refroidir l’enthousiasme des personnes qui auraient pu être intéressées....
Le directeur du journal local en déduisit non sans un trait d’ironie que “si un trophée de guerre peut avoir une valeur morale diversement appréciée, il a une valeur matérielle à peu-près nulle...".



Contre-attaque : requête de “L’Union des Mutilés” auprès de l’assemblée municipale



Lors de son assemblée générale du 25 décembre 1929, l’Union des Mutilés, Réformés, Veuves, Orphelins, Anciens Combattants de Rochechouart, sous la présidence de M. Soury Germain, émettent le voeu suivant à la municipalité, voeu accepté à l’unanimité :
“Les A.C., mutilés, veuves et orphelins de Rochechouart, réunis en assemblée générale, émus par le projet de leur municipalité de vente ou destruction du canon allemand modèle 77, conquis sur les envahisseurs du sol national et remis aux habitants de la commune en souvenir de leur délivrance, considérant qu’un grand nombre de leurs concitoyens se trouvent froissés dans leurs sentiments patriotiques par tout projet de mercantilisme ou de destruction d’un souvenir d’une victoire si durement acquise, espérant que dans un but de respect mutuel des idées, ceux qui ne partagent pas leurs patriotiques préoccupations auront cependant à coeur d’en tenir compte,
émettent le voeu que le canon 77 allemand, soit par leur municipalité, conservé avec décence, et que, au cas où leurs sentiments patriotiques ne pourraient s’allier avec les sentiments de la majorité du conseil municipal, demandent que la garde et la conservation leur en soit confiées après entente avec leur bureau, pour en examiner les conditions”.





Qu’est devenu le canon de 77 allemand ?





Qu’est devenu le canon de 77 allemand à l’issue de cette regrettable affaire ?
Je n’ai pas retrouvé sa trace actuellement dans les archives....
A-t-il été remis à la société des Mutilés et Anciens Combattants de Rochechouart, conformément à la demande qui avait été formulée ou bien conservé malgré tout par la municipalité cédant ainsi à la pression populaire ?
Nous sommes à cette époque, à l’aube de l’année 1930, et déjà se dessinent les prémisses du deuxième conflit mondial. A t-il alors été sacrifié pour l’effort de guerre, ou bien caché lors du franchissement de la ligne de démarcation par les allemands en novembre 1942 ? Peut-être est-il encore aujourd’hui au fond d’une grange, oublié de tous ? Le mystère à ce jour, reste entier....

   Sources : “L’Union du Centre”





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