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24 janvier 1940 : destruction par un incendie, de l’usine “Proust Michel et Cie”




Le récit de cette dramatique journée :

Le mercredi 24 janvier 1940, vers midi trente, une folle rumeur traverse la ville et se répand comme une traînée de poudre : l’usine “Proust Michel et Cie” serait la proie des flammes.
Chacun se précipite en direction de l’usine en espérant que l’information est exagérée et qu’il ne s’agit que d’un début d’incendie.
Mais une épaisse colonne de fumée noire laisse présager la gravité du sinistre, et les renseignements recueillis à la volée, ne laissent hélas aucun doute. Sur les lieux, un millier de personnes assistent impuissantes à l’anéantissement de l’usine, qui était, à juste titre, l’orgueil de la ville de Rochechouart et représentait le résultat du travail de toute une génération.
C’est une vision cauchemardesque : le brasier, qui a d’abord dévoré le grand bâtiment de 4000 mètres carrés, poussé par un vent violent du nord-est, s’est attaqué désormais aux constructions secondaires, tandis que s’effondrent les toitures et les pans de murs et qu’explosent les réserves de produits chimiques.
Hâtivement, la comptabilité, les coffres et les archives sont évacués des bureaux déjà gagnés par le feu. De la même manière, tout ce qui est transportable dans les bâtiments menacés est retiré par les centaines de sauveteurs improvisés, qui se sont joints aux ouvriers et aux pompiers pour disputer pied à pied l’usine au fléau.
M. Gloumeau, sous-préfet, M. Sardin, premier adjoint au maire, Mrs Jobillot lieutenant, Delanette adjudant et les gendarmes, M. Sorton, lieutenant des pompiers et ses hommes, étaient arrivés sur les lieux dès la première minute. Par la suite, les pompiers de Saint-Junien et de Chabanais vinrent prêter main-forte. Mais que faire contre les éléments ? Pour comble d’infortune, les moto-pompes étaient gelées et ne purent pas intervenir avant que se soient écoulées bien des minutes précieuses...
Des chaînes s’organisèrent qui permirent d’utiliser la pompe à bras. L’une d’elle amenait l’eau d’un puits situé dans le pré au pied des bâtiments, lorsqu’un pan de mur s’effondra de son côté, avant que tous aient eu le temps de se mettre à l’abri. On releva trois blessés : une jeune fille de 17 ans, Mlle Odette Barataud, M. Adrien Hyrat et M. Raymond Villars, tous les trois atteints légèrement au visage.
Ce n’est que tard dans l’après-midi que l’incendie fut définitivement maîtrisé. Mais hélas que représentaient les quelques bâtiments sauvés en regard de tout ce qui a été englouti dans les flammes ? Les pertes matérielles se chiffrent par plusieurs millions, pour ne parler que des pertes immédiates. Mais c’est encore de millions qu’il faut parler lorsqu’on songe au préjudice causé à la laborieuse population de Rochechouart, du fait de l’arrêt, même temporaire, de l’usine.
Des femmes et des hommes pleuraient devant la destruction de ce qui fut leur moyen d’existence ! Et celà ajoutait à la douleur de Mrs Pierre, Lucien et Raymond Proust, de M. Antoine Michel et de M. Jacques Boschetti, témoins impuissants et désolés de l’anéantissement de 38 ans de travail acharné.
On ignore les causes du sinistre et l’on se perd en conjonctures. L’enquête est menée par la gendarmerie et M. Allinaud, commissaire spécial. L’incendie a éclaté avec une violence inouïe 20 minutes environ après le départ des ouvriers, dans la partie nord, où travaillaient au premier étage les mécaniciennes. Personne n’avait rien remarqué d’anormal avant le départ. Le chauffage central marchait comme de coutume. La cause du court-circuit semble la plus probable.


   Sources : “L’Union du Centre”.



La solidarité s’organise

À la suite de ce dramatique évènement qui a ravagé complètement l’usine de chaussures de la ville, 450 ouvriers et ouvrières se trouvent en situation de chômage forcé.
Le sous-préfet de Rochechouart lance un appel à la population en faveur des familles nécessiteuses des ouvriers, que l’incendie du 24 juin a privés de leur gagne-pain.
Un comité désigné par le personnel des Établissements “Proust Michel et Cie” est constitué en vue de recevoir les secours en espèces qui affluent déjà. La composition du bureau du comité est la suivante :
     Président : M. Jean Moreau, route de St-Junien, employé de bureau.
     Secrétaire : M. Martin, brocheur.
     Trésorier : M. Jean Boulesteix, chevilleur.

Les gestes de solidarité se multiplient : outre ceux des autorités et chefs de service des administrations locales, un don de 2000 francs est envoyé par Monseigneur Rastouil, évêque de Limoges, une somme de 300 francs est remise par M. Edmond Dammert, instituteur alsacien, réfugié à Rochechouart, une somme de 100 francs est remise par M. Chambinaud L., représentant à Limoges.
Deux habitants de Rochechouart prennent l’initiative d’une collecte auprès de la population de la ville, et la liste des donateurs ne cesse de s’allonger...
Toutes ces manifestations de solidarité seront les bienvenues pour ceux qui ont perdu leur travail, en cette période de première partie d’une guerre qui apportera de longues années de misère et de privations...

L’usine “Proust, Michel et Cie”, avant l’incendie.

Vue aérienne de l’usine “Proust, Michel et Cie”, après sa réhabilitation, dans les années 1950.