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L’attaque du “train blindé”
-Forêt de Rochechouart-



Le 18 Juillet 1944, un train allemand en provenance de Bussière-Galant, entre en gare d’Oradour sur Vayres.
Ce train que l’on appellera plus tard le “train blindé” se compose en fait de quatre wagons aux parois renforcées de plaques métalliques et de traverses de chemin de fer.
Ce n’est pas un fier convoi de troupes victorieuses mais une unité inquiète essayant (toutes les routes étant coupées) de se frayer un passage vers le nord sur un tronçon de voie non endommagé en direction de Saillat sur Vienne.
Le passage paraissant libre, le convoi poursuit son chemin à allure très réduite vers la forêt de Rochechouart.
Les hommes du maquis informés, vont, avec la complicité du chef de gare, déboulonner les rails dans la forêt près du village “des Bordes”.
Le train, conduit par des cheminots français, arrive à une vitesse très lente. Une fusillade éclate. Un jeune maquisard de l’A.S., André LACHAISE, 23 ans, domicilié dans la commune de Rochechouart, tombe sous les balles ennemies.
Faute de munitions, les maquisards décrochent. Le train allemand fait alors marche arrière jusqu’à la gare d’Oradour. Les habitants, traumatisés par le massacre perpétré à Oradour sur Glane cinq semaines plus tôt, ont déserté la ville et les allemands s’y installent, notamment dans le château de Rayet.
Le lendemain, après de durs combats pendant lesquels quatre autres maquisards perdront la vie (BOUBY Henri, CAREAU J., MERIOT Émile, QUILLARD André), les allemands qui ont reçu des renforts, s’enfuient en emportant leurs morts et leurs blessés.
Quant au fameux train, il terminera sa carrière à une coupure de voie sur le ballast de la gare de Champagnac la Rivière.



C’est sur cette portion de voie ferrée aujourd’hui envahie par la végétation, tout près du village des “Bordes”, que les rails seront déboulonnés pour empêcher le passage du train.


Récit du Docteur Morange ancien maire d’Oradour-sur-Vayres
dans son ouvrage “Ce pays d’où je viens... Oradour-sur-Vayres en Limousin”


Dans son excellent ouvrage “Ce pays d’où je viens... Oradour-sur-Vayres en Limousin” paru aux éditions de “La Veytizou” en 1999, le Docteur Morange, ancien maire d’Oradour-sur-Vayres de 1971 à 1989 fait le récit de ces tragiques évènements :

“Le 18 juillet 1944 au petit matin, un mois et huit jours après le massacre d’Oradour-sur-Glane, un train allemand arrive en gare d’Oradour-sur-Vayres, en provenance de Bussière-Galant.
Il est composé de quatre wagons aux parois renforcées et d’une locomotive. Cette dernière pousse deux wagons devant elle et en tire deux autres à l’arrière....
Une quinzaine d’hommes de l’armée allemande armés de fusils-mitrailleurs et de mitrailleuses lourdes et huit cheminots français accompagnent le convoi.... Le “train blindé” se dirige vers la gare de Saillat-Chassenon à côté de Rochechouart.
Mais un homme de l’A.S., Jean Delage, est informé dès le 17 qu’un train allemand va rouler vers Oradour et Rochechouart le lendemain matin. Le maquis A.S. décide alors de déboulonner les rails à l’orée de la forêt de Rochechouart, que traverse la voie, afin de stopper le train. On se procure le matériel nécessaire à cette intervention à la gare d’Oradour, grâce à un chef de gare complaisant.
Deux rails sont déboulonnés près du village des “Bordes”, commune de Rochechouart, dans un talweg bien situé. C’est Michel Lathière et ses hommes qui s’en chargent. Et on attend... Le train arrive à une vitesse très lente et, comme prévu, les deux rails déboulonnés s’écartent et le wagon de tête déraille et s’enchâsse sur le ballast.
Une fusillade éclate, mais manquant de munitions, l’A.S. décroche tout en suivant le train dans ses évolutions.... Les cheminots accompagnant le convoi sont contraints de détacher le wagon déraillé et le train reflue vers “La Nouzille” et Oradour-sur-Vayres, suivi par les maquis de l’A.S..
À “Puymoreau”, dans la commune d’Oradour, les maquis qui ont reçu du renfort de leurs camarades, sont attaqués par les allemands entre le carrefour de “Puymoreau” et le village de “La Tronchaise”, en bordure de la voie de chemin de fer qui longe une petite route où les hommes de l’A.S. ont été aperçus. C’est là que Pierre-André Lachaise est tué, première victime de la bataille qui va se poursuivre à Oradour-sur-Vayres où le train finit par arriver en tout début d’après-midi du 18 juillet....
Bloqués dans la gare, les allemands, bons stratèges, placent une mitrailleuse lourde au “Pont”, route de Châlus, qui prend sous son feu toute la partie Nord-Est du bourg et la route en direction du champ de foire et “Pouloueix”. Une autre mitrailleuse est placée devant le mur qui longe l’avenue de la gare, près de l’ancienne gare du tram. Elle prend sous son feu toute la partie sud du terrain situé en retrait du parc, face au terrain découvert des “Chapelles”. Des tireurs allemands à la mitrailleuse et au “bazooka” sont postés dans l’avenue de la gare prenant sous leur feu tout ce qui bouge au sud du bourg en direction de Cussac. Des maquisards de l’A.S. sont également présents avec notamment Michel Lathière, qui sert une mitrailleuse vers la ligne du tramway.
Les habitants d’Oradour ont fui dans la campagne environnante dès qu’a été annoncée l’arrivée du convoi allemand. Le souvenir d’Oradour-sur-Glane est trop présent dans les mémoires, et le vide s’est fait très vite dans le bourg....
Le maquis de Pressac, avec à sa tête le commandant Bernard, est arrivé sur les lieux, en renfort de celui de Cussac....
C’est à proximité de l’avenue de la gare que vont avoir lieu dans l’après-midi les violents combats du 18....
Près de la gare du tramway, il existe un découvert important qu’il convient d’éviter pour ne pas se trouver sous le feu de la mitrailleuse allemande. Bien malencontreusement, l’un des maquisards posté ici, le sergent Meriot émile, ayant reçu l’ordre d’attaquer à cet endroit de la part de ses chefs, est aussitôt mitraillé à bout portant par le tireur allemand. Meriot tombe, seconde victime de la bataille.
Une troisième victime ayant malheureusement suivi le même chemin, Quillard André, âgé de 17 ans, est fauchée dans un arbre où il s’était abrité en observateur..... C’est la troisième victime des combats....
Dans la nuit du 18 au 19, les allemands lancent plusieurs fusées éclairantes sur le secteur pour s’assurer de leur sécurité et voir si rien ne bouge alentour....
Dans la matinée du 19, deux tirs de bazooka sont envoyés par Buzonie depuis “Les Chapelles”.... Les maquis croient avoir délogé les allemands et, sans plus de précautions, s’avancent en terrain découvert... Mal leur en prend, les tirs allemands les stoppent depuis la gare du tramway et plusieurs maquis tombent avant qu’un ordre de repli ne soit lancé....
En fin d’après-midi du 19, les allemands qui ont reçu des renforts de Limoges dès le 18 au soir, mais se sentant encerclés, préfèrent se replier en camions et voitures vers la capitale Limousine, emportant leurs morts et leurs blessés, lesquels n’ont malheureusement pas pu être dénombrés....
Par contre, à la mairie d’Oradour-sur-Vayres, au cours de la journée suivante, c’est à dire le 20, ce sont neuf cerceuils qui seront déposés, contenant les dépouilles de neuf maquisards tués dans les combats, et dont il n’a été possible de retrouver les noms que de cinq d’entre eux :

LACHAISE Pierre-André, 23 ans, originaire du “Breuil-de-Gorre” de Rochechouart, membre de l’A.S., tué à Puymoreau au cours du premier accrochage.
BOUBY Henri, originaire de Saint-Junien (maquis de Pressac).
MERIOT Émile (maquis de Pressac).
CARREAU Jean-André (maquis de Pressac).
QUILLARD André, un jeune Saint-Juniaud de 17 ans (maquis de Pressac).”


Maquisards et population entourent le fameux train à la gare d’Oradour-sur-Vayres après le départ des allemands. (cliché extrait de l’ouvrage du Docteur Morange)


Témoignage de M. Louis Ché (avec son autorisation)


M. Louis Ché qui a vécu de 1936 à 1945 au village de “Puymoreau” avait huit ans en 1944. Cependant il garde encore le souvenir très précis de ces tragiques évènements.
Voici son témoignage qu’il m’a aimablement autorisé à reproduire :
“.....En ce qui concerne le train allemand, j’étais aux premières loges.
Il a été harcelé tout au long de sa retraite, y compris dans la traversée de Puymoreau, ce qui n’était pas une bonne idée.
J’ai le souvenir d’une fusillade intense. C’était en début d’après-midi et particulièrement au niveau du village du milieu (groupe de maisons situé entre “Puymoreau haut” et “Puymoreau bas”) qui jouxtait la voie de près. C’est d’ailleurs là que le jeune Lachaise a été tué, dans un jardin surplombant la voie.
Le train a rejoint la gare d’Oradour où les allemands l’ont abandonné pour se retrancher dans le château.
C’est pendant le siège du château que sont tombées les autres victimes.
Le lendemain, un convoi allemand, deux camions et une auto-mitrailleuse blindée, est venu récupérer les retranchés du château sans aucune difficulté.
Ce convoi a suivi la voie ferrée dès avant “La Nouzille”, par les petites routes qui la longeaient, ce qui semble indiquer qu’ils n’avaient pas l’information précise de l’endroit où s’était arrêté le train, mais aussi qu’ils avaient un guide connaissant bien les lieux.
Ils ont brûlé une voiture à l’entrée de “Puymoreau”, et ils ont mangé vers 14 heures dans la ferme du “village du milieu”. Un des occupants s’est fait porter un repas dans le camion, ce qui accrédite l’hypothèse de la présence d’un guide local.
À la barrière de “La Serve”, ils ont quitté la route pour suivre le petit chemin vicinal qui longeait la voie jusqu’à la gare d’Oradour. Mon père qui rentrait d’Oradour à vélo a vu le convoi s’y engager.
Dans la nuit les maquis avaient mis le feu au château sans pour autant déloger les allemands. Je n’ai aucune idée sur d’éventuelles victimes allemandes....”


La gare d’Oradour-sur-Vayres à l’époque de son activité


Le quartier de l’avenue de la gare et de la gare du tramway. C’est ici que se sont déroulés les combats les plus violents,
et que tombera la majorité des victimes.


Le jeune Rochechouartais Lachaise André (23 ans) première victime des combats



Le 20 juillet 1944, vers 17 heures un camion de l’A.S. de Cussac traverse Rochechouart. Il ramène le corps du jeune Lachaise, première victime des combats.
La nouvelle de son décès se répand comme une traînée de poudre dans la ville, et les habitants sont consternés par ce drame.
Le vendredi 21 juillet, dès 15 heures, une foule immense se presse à la maison mortuaire où les couronnes et les gerbes affluent et doivent être portées par des jeunes gens.
Après la levée du corps, le cortège se dirige vers l’église. En tête est placée la bannière de la “Société de Secours Mutuels” suivie du personnel des établissements “Proust Michel et Cie”. Les jeunes gens portant les couronnes et gerbes précèdent le char funèbre.
L’absoute est donnée par M. Chevalier, archiprêtre.
À l’issue de la cérémonie, chacune des personnes présentes s’éloigne, bouleversée par la disparition de cet homme de 23 ans qui a fait le sacrifice de sa jeune vie pour la libération du pays.



Le monument érigé en souvenir de ces tragiques évènements à Oradour-sur-Vayres