Vers 15H30, un crime a été commis au château de Rochechouart, dans lescalier conduisant au tribunal.
Les nommés Justin B., âgé de 26 ans, et son frère Julien B., âgé de 37 ans, cultivateurs, nés et demeurant tous deux au village de C., commune de C., étaient dans les plus mauvais termes avec leur voisin, le nommé Pierre L., cultivateur, âgé de 40 ans.
Les deux frères accusaient L., leur voisin, davoir, en 1897, incendié leur immeuble. Ils lavaient déjà dénoncé trois fois à la justice. Mais, après une sérieuse enquête, on avait reconnu le mal fondé de ces accusations, nayant trouvé aucune preuve contre L., qui jouissait également dune bonne réputation.
On aurait dû en rester là, mais les deux frères résolurent de poursuivre civilement le prétendu incendiaire, pour obtenir réparation du dommage causé. Cest dans ce but quils se présentaient au palais de justice pour demander lassistance judiciaire. L. sétait rendu devant le bureau pour défendre ses droits.
Après une discussion très orageuse des parties, lassistance fut refusée. Les deux frères entrèrent dans une violente colère. Ils rejoignirent L. dans lescalier et linjurièrent. Arrivés au dernier tournant, Justin B., se précipita sur lui, le renversa et lui partagea la tête à laide dune hache quil avait dissimulée sous sa blouse, et lui planta la lame dune canne à épée dans le dos.
Aux personnes qui se présentèrent attirées par le bruit, lassassin déclara avoir prémédité et accompli son épouvantable forfait sans la complicité de son frère, se glorifiant cyniquement de ce quil appelle un acte de justice.
Quelques minutes après, les deux frères étaient arrêtés et conduits à la prison. Le corps de la victime était horrible à voir : Le crâne partagé ........et les marches de lescalier étaient inondées de sang. Après les constatations légales, on la transporté à lhôpital, où M. le docteur Marquet a fait lautopsie. Cette autopsie a démontré que L. a reçu plusieurs coups de hache sur la tête et au cou, et quil a été transpercé de deux coups de canne à épée. Son inhumation a eu lieu le lendemain à C..
Justin B., le meurtrier, est âgé de 26 ans. Il est célibataire. Cest un ancien élève de lécole de Chavaignac, ayant par conséquent une certaine instruction, et qui exerçait, avant son arrestation, la profession dagriculteur et de courtier en bestiaux pour le marché de La Villette. Julien B. est lui, marié depuis deux mois environ. La culpabilité de L., dans lincendie qui, en 1897, avait dévoré leur immeuble, était devenue pour les deux frères, pour Justin le plus jeune surtout, une idée fixe. À plusieurs reprises, il avait adressé au Courrier du Centre, des lettres dans lesquelles il se plaignait amèrement de ce quil appelait un déni de justice.
Le parquet de Limoges a eu, lui aussi, à soccuper des plaintes de B., et trois enquêtes successives ont été faites, sans résultat. Puisquon ve veut pas me faire justice, je me ferai justice moi-même avait déclaré le meurtrier. Il a malheureusement réalisé sa promesse. Justin B., après son geste, a une attitude absolument calme. Il semble ne regretter aucunement son crime quil qualifie toujours dacte de justice. Il a choisi pour avocat, M. Patry du barreau de Limoges. Julien B., au contraire, est très abattu et pleure constamment. Il sera assisté par Maître Soury-Lavergne.
Sources : Le journal de Rochechouart
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23 décembre 1900 :
Julien B., frère de lassassin de L., arrêté sous linculpation de complicité, a été relâché. Il devra cependant rester à la disposition de la justice.
27 janvier 1901 :
Justin B., lauteur de lhorrible crime qui sest déroulé sur les marches du palais de justice de Rochechouart, ne comparaîtra pas devant les prochaines assises de la Haute-Vienne. Les juges de la chambre des mises en accusation ont décidé quil y avait lieu de procéder à un complément dinstruction.
De plus, le meurtrier sera soumis à lexamen de M. le docteur Doursout, et mis en observation à lasile des aliénés de Naugeat. Ce nest quaprès le rapport du directeur de lasile, quil sera statué sur son sort.
28 avril 1901 :
B., lassassin de L., après une observation de plusieurs mois, a été interné à lasile de Naugeat. La chambre des mises en accusation, au vu du rapport médical, a rendu un arrêt de non-lieu en faveur de B..
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