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Le monument aux morts

Première commémoration officielle du 11 novembre  -  Le “couac” des parlementaires  -  Souscription pour la construction
Le retour des cercueils  -  Georges Delpérier  -  L’inauguration  -  La cérémonie religieuse  -  Les inscriptions : grande guerre 1914-1918
Les inscriptions : guerre 1939-1945  -  Ceux qui n’y figurent pas  -  Jean Gorce : le poilu oublié  -  Les discours d’inauguration
Hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie lors du premier conflit mondial  -  Ce que l’on aimerait ne plus voir





Sur ce monument aux morts, inauguré le 28 septembre 1924, sont inscrits les noms des 189 victimes de la 1ère guerre mondiale, ainsi que les 30 victimes de la guerre de 39-45.


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11 novembre 1920 : première commémoration officielle de la signature de l’armistice de 1918


Rochechouart fête pour la première fois l’anniversaire de la victoire, en même temps que le cinquantenaire de la République.
Ce 11 novembre, à l’aube, des salves d’artillerie retentissent .
À 8 heures 30, à l’église paroissiale, a lieu un service pour les enfants des paroisses de Rochechouart et Biennat, morts pour la France. À l’intérieur de l’église, des places sont réservées aux autorités, à messieurs les fonctionnaires et aux élèves des écoles communales.
À l’issue du service, dans la cour du château, s’est formé un cortège pour se rendre au cimetière.
Les enfants des écoles, les membres de l’association des mutilés, veuves et orphelins de guerre, la “Société Harmonique”, les fonctionnaires, le clergé, la municipalité, la société de secours mutuels “La Fraternelle”, l’union des ouvriers et ouvrières de la maison “Proust Michel et Cie”, la section des sapeurs-pompiers et les habitants, composent le cortège.
À 10 heures, après l’exécution de “La Marseillaise” et au son de la “Marche Funèbre” de Chopin, c’est le départ pour le cimetière où des fleurs sont déposées et des discours prononcés sur les tombes des soldats morts pendant la guerre.
L’après-midi a lieu la fête locale et un concert est donné par la “Société Harmonique” de 15 à 16 heures.
À 20 heures, un feu d’artifice est tiré et clôture les festivités.


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11 novembre 1921 : le “couac” des parlementaires


En 1921, le parlement décide que le 11 novembre ne sera pas férié et que les célébrations seront remises au dimanche suivant.
Le maire de Rochechouart informe ses administrés que le cortège et la fête qui devaient avoir lieu le 11 novembre, sont remis au dimanche 13, aux mêmes heures.
Dans sa séance du 27 novembre, l’union des mutilés, réformés, veuves, orphelins et anciens combattants de Rochechouart, vote la résolution suivante :
“La société réunie en assemblée générale,
considérant que certaines fêtes ne présentant aucun caractère d’union sacrée, ne sont pas reportées au dimanche suivant,
considérant que la victoire du 11 novembre est depuis plus d’un siècle, la seule victoire française dont la conséquence ait été la délivrance du sol sacré de la patrie,
blâme les représentants du pays d’avoir tardivement et à l’insu des différentes associations de combattants, artisans de cette victoire, changé la date de commémoration du 11 novembre,
émet le voeu que le parlement revienne sur sa décision précipitée et remette la célébration officielle de la victoire au 11 novembre.”
À compter de l’année suivante la journée du 11 novembre sera définitivement reconnue comme fête nationale.


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Souscription pour la construction du monument aux morts



La première liste de souscriptions. Il y en aura bien d’autres...

Le 14 juillet 1919, une souscription est lancée pour la construction d’un monument aux morts de la grande guerre.
Le choix de l’emplacement étant source de discussions, il est demandé à chaque souscripteur de faire connaître son avis à ce sujet.
Un comité est créé. Parmi les premiers souscripteurs on note : la commune de Rochechouart pour la somme de 5000 francs, des industriels comme la société Proust Michel et Cie pour la somme de 2000 francs, des professions libérales ou fonctionnaires, Mrs Arloing, avoué, Marchand, receveur des finances, Léclaircie, avoué, Proust Lucien, comptable, des membres du conseil municipal, Desbordes, 1er adjoint, Chavagne François, conseiller municipal, des négociants et commerçants de renom, Mrs Dupanier, Soury-Lavergne Charles, Chabernaud Léonce, Roch Florentin, Villard Louis etc...
Le 12 février 1921, le comité pour l’érection du monument aux morts se réunit à la mairie, sous la présidence de M. Eugène Desbordes.
Plusieurs modèles de monuments sont soumis et le comité décide de demander d’autres types avant d’arrêter son choix.
Pour continuer la collecte, il désigne un certain nombre de personnes qui passeront à domicile, en ville et dans les villages, pour recueillir les souscriptions.
Le 29 septembre 1923, il est mentionné dans le journal local, que la construction du monument, élevé place du château, se poursuit et n’est plus que l’affaire de peu de temps. Les deux statues ont été mises en place. Bien qu’incomplétement sculptées, elles ont déjà fière allure. L’auteur de ce monument, M. Delpérier, est vraiment digne de notre ville et des héros dont il doit perpétuer le souvenir.
Le 24 août 1924, le conseil municipal de Rochechouart fixe la date d’inauguration du monument au 28 septembre de l’année courante.


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Le retour des cercueils



Marchadier Jean, tué à Noeux les Mines le 22 mai 1915, à l’âge de 20 ans.

Dès la fin des hostilités les familles tentent de rapatrier les cercueils de leurs proches, morts à la guerre, et qui ont été inhumés provisoirement près du lieu des combats.
Les cercueils en plomb arrivent à la gare et c’est pour toutes les familles concernées une nouvelle épreuve à affronter avec la préparation des obsèques qui ravive les douleurs.
Le 9 novembre 1920 ont lieu les obsèques du lieutenant Paul Durand, mort pour la France, et dont les parents ont pu faire venir la dépouille mortelle. Au cimetière, M. Eugène Desbordes a prononcé l’oraison funèbre.
Le 2 mars 1921, une messe basse est célébrée en l’église de Rochechouart, pour le repos de l’âme de Paul Chabernaud, mort au champ d’honneur en 1915. Sa dépouille mortelle a été ramenée près de sa famille.
Le 8 juillet 1921, ont lieu les obsèques de Pierre Boisramet, adjudant du 338ème régiment d’infanterie, avoué à Rochechouart, tué à l’ennemi, et dont la famille a fait revenir le corps.
Les journées des 8, 9 et 10 mai 1922, ont été marquées par de nombreux deuils. Les corps de cinq soldats de retour du front, ont été inhumés successivement, soit à Rochechouart, soit à Biennat :
Lundi 8, Jean Marchadier, soldat au 174ème, tué à l’ennemi à Noeux les Mines.
Mardi 9, Louis Fally, musicien brancardier, de la classe 1910, tué le 26 septembre 1915 à Auberives sur Suippes (Marne), Chabasse François Germain, du 311ème régiment d’infanterie, tué à La Fille-Morte (Meuse) le 29 août 1917, Berlaud Jean-Adrien, classe 1901, du 120ème régiment d’artillerie, mort dans la Meuse à la suite d’une blessure le 18 juin 1916.
Mercredi 10, Thoureau Jean, classe 1906, du 4ème régiment du génie, tué au combat de Trou-Bricot le 25 septembre 1915.
M. Desbordes, maire de Rochechouart et chevalier de la Légion d’Honneur, lui-même ancien combattant, a tenu à faire pour chacun d’eux l’éloge funèbre et l’historique de leur mort glorieuse.
Le 28 mai 1922, ont lieu les obsèques de Jean Verger, soldat au 232ème régiment d’infanterie, mort pour la France le 12 septembre 1918. La levée du corps a été faite à la gare, ce méme jour, à 15 heures.
Le 20 juin 1922 ont lieu les obsèques du maréchal des logis d’artillerie, Georges Berret, mort pour la France le 5 juin 1916, des suites d’une blessure reçue le 22 mai précédent à Montgrignon, en avant de Verdun.


Croix de guerre et médaille militaire de Marchadier Jean, mort pour la France.


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Georges Delpérier, artiste-créateur du monument aux morts de Rochechouart


Georges Delpérier, l’artiste constructeur du monument aux morts de Rochechouart, est né à Paris le 20 novembre 1865.
Admis à l’école des Beaux-Arts de Paris et à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, il réside en 1899 dans la ville de Tours, où il a suivi son épouse, nommée à l’école normale supérieure de cette même ville.
À Tours, il se consacre à la création artistique, à la peinture, à la décoration de spectacles et de manifestations, dessine des costumes, effectue des travaux de restauration en tant que conservateur et surtout réalise des sculptures et des monuments, notamment de nombreux monuments aux morts tels ceux de Neuillé-Pont-Pierre, Marray, Orbigny, Joinville-le-Pont, Loches, Sancerre, Marçon, Saillenard, Ligueil, Perrusson etc..., et plus près de nous, celui de Chabanais (Charente).
Médaillé au salon des artistes français en 1913, chevalier de la Légion d’Honneur en 1925, il décède à Tours le 30 novembre 1936.

Sources : Wikipédia


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28 septembre 1924 : inauguration du monument aux morts


Favorisée par un temps magnifique, la cérémonie d’inauguration du monument élevé à Rochechouart à la gloire des combattants de la grande guerre et en souvenir des morts pour la France, s’est déroulée dans le calme et l’émotion convenant à une telle manifestation.
En raison de l’orientation politique de l’époque, l’administration supérieure, oubliant l’union sacrée, ne pouvait tolérer la présence du clergé. Celui-ci n’avait donc été invité que pour le lendemain.
Les hauts personnages qui devaient être présents pour la circonstance, avaient décliné l’invitation au dernier moment.
À 9 heures 30, une nombreuse foule se presse sur la place du château. “L’union des mutilés”, la “société de secours mutuels”, la section des sapeurs-pompiers, la “Société Harmonique”, entourant leurs drapeaux et bannières, sont massées devant le monument. Les enfants des écoles, les bras chargés de fleurs, se placent auprès des sociétés.
Sur une estrade élevée à cet effet, prennent place autour de M. le sénateur Mazurier, présidant la cérémonie, M. le sous-préfet, M. le maire et son conseil municipal, le comité du monument, les conseillers d’arrondissement, les fonctionnaires et diverses personnalités.
La “Société Harmonique” joue “La Marseillaise”, tandis que “l’union des mutilés” et les enfants des écoles déposent des gerbes de fleurs.
Le docteur Marquet procède à l’appel des 190 héros dont le nom figure sur le monument, et, à chaque nom, les enfants des écoles répondent “mort au champ d’honneur !”.
La “Société Harmonique” exécute la “marche funèbre” de Chopin.
M. Desbordes, maire de Rochechouart et président du comité du monument, prend la parole, suivi de M. Germain Soury, président de “l’union des mutilés”.
M. Gomot, sous-préfet, a été délégué par M. le Préfet pour le représenter. Il vient dire toute la sollicitude du gouvernement de la République et apporte au pied du monument l’hommage de reconnaissance de la France à ceux qui se sont sacrifiés pour elle.
Dans une vibrante improvisation, M. Mazurier fait un tableau saisissant de la vie matérielle et morale du soldat aux tranchées, et, encore meurtri de la double perte qu’il a subie en ses fils, M. Mazurier termine en conjurant les habitants de Rochechouart de rester fidèles au culte de leurs morts si chers et à leur idéal de justice.
Après l’exécution d’une nouvelle “marche funèbre” par la “Société Harmonique”, M. le maire remercie M. Delpérier, l’auteur du beau monument que chacun admire. Il remercie le public dont l’attitude digne et émue est impressionnante.
La cérémonie est terminée. La foule se retire lentement.



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29 septembre 1924 : la cérémonie religieuse


Le matin du 29 septembre 1924, l’église paroissiale s’est emplie de fidèles venus assister à la messe solennelle célébrée en souvenir des martyrs de la grande guerre.
Dans son sermon, le père de la Tour a glorifié les morts de la guerre.
Après l’absoute, un cortège s’est formé et s’est rendu en procession jusqu’au monument qui a été béni par M. l’archiprêtre et où on a récité un “De Profundis”.
Cette cérémonie a produit une profonde impression sur l’assistance. Beaucoup pensaient que celle-ci aurait eu mieux sa place la veille, avec l’inauguration. Toutes les victimes dont les noms sont gravés sur le monument étaient des catholiques et, pour la grande majorité, des catholiques pratiquants.


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Les inscriptions sur le monument : la grande guerre de 1914-1918



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Les inscriptions sur le monument : la guerre de 1939-1945


Le 3 février 1946, lors de la réunion du conseil municipal, il est décidé qu’un additif sera posé au monument aux morts, par une plaque en marbre où seront inscrits les combattants de 1939-1940, F.F.I. et prisonniers de guerre décédés en captivité, la victime civile, le déporté politique, tous “morts pour la France”.


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Ceux qui n’y figurent pas : soldats de la commune, morts pour la France durant le conflit de 1870



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Jean Gorce : le poilu oublié



Jean Gorce

En examinant attentivement la liste des victimes de la grande-guerre gravée dans la pierre, on s’aperçoit qu’un nom n’obéit pas à l’ordre alphabétique et que cette inscription a été rajoutée. C’est celle de Jean Gorce, le poilu oublié.
Curieuse histoire que celle de cette inscription tardive pour ce soldat, mort à 22 ans dans les violents combats de 1915 à Notre-Dame-de-Lorette, sur cette colline dominant l’Artois à une quinzaine de kilomètres d’Arras.
Le corps de ce combattant avait disparu sous la mitraille, et son nom avait été oublié. C’est à la suite de recherches généalogiques menées par M. et Mme Jean-Pierre Soury, rochechouartais, que l’acte de naissance de Jean Gorce, leur grand-oncle, les a conduits sur les traces de ce valeureux soldat et de l’immense cimetière et mémorial de Notre-Dame-de Lorette où se dresse une croix portant son nom.
Ainsi, après quelques démarches administratives, l’oubli a pu être réparé, et le nom de Jean Gorce a rejoint sur le monument les noms des Rochechouartais “morts pour la France”.


Croix au nom de Jean Gorce au cimetière mémorial de Notre-Dame-de-Lorette


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Les discours d’inauguration


Discours de M. Desbordes, maire de Rochechouart et président du comité du monument :

“Au moment où s’achève l’appel hélas trop long de nos morts glorieux, le maire de la commune de Rochechouart croit être en parfaite harmonie avec leurs sentiments en remerciant tous ceux qui sont venus ici pour les honorer et en adressant tout d’abord, l’expression de sa vive et profonde gratitude à M. le sénateur Mazurier, qui a abandonné des occupations pressantes, s’est imposé la fatigue d’un voyage pénible et d’une solennité pleine de poignantes émotions, pour venir présider notre manifestation de respectueux hommage envers nos glorieux morts.
Dans sa pensée reconnaissante, il lui associe naturellement M. le sénateur Trouvé qui devait l’accompagner et qui en a été empêché par une grave indisposition très probablement contractée sur la tombe à peine refermée de son regretté collègue, M. Codet, à qui il adressait au milieu d’une épouvantable tempête un éloquent et suprême adieu auquel nous nous associons de tout coeur.
La même expression de remerciements va à tous ceux qui ayant désiré nous assister en ce pieux devoir et ne l’ayant pas pu en ont marqué du regret et nous ont délégué des représentants aussi autorisés que M. le sous-préfet et M. le commandant Dégremont.
Le maire de Rochechouart n’a garde d’oublier toutes les autorités locales et les divers corps constitués qui, ayant d’avance leur place marquée en cette cérémonie, ont bien voulu en rehausser la portée par leur bienveillante présence.
Il sait un gré particulier aux personnalités marquantes, qui comme M. le général Quincy et M. Levesque, inspecteur général des Ponts et Chaussées, Rochechouartais par le coeur, par leurs alliances et par l’intérêt qu’ils nous portent, se sont spontanément joints à nous en cette patriotique solennité.
Il a l’agréable devoir de féliciter la population Rochechouartaise toute entière pour le respectueux empressement qu’elle a mis à se grouper au pied de ce monument en un geste quasi universel de pieuse reconnaissance envers nos morts glorieux.
Tous ceux qui nous entourent sont particulièrement qualifiés pour partager notre émotion, communier dans nos sentiments, revivre avec nous les moments terribles qui nous ont coûté si cher et qu’ils connaissent si bien pour y avoir été mêlés à des titres divers importants et trop souvent douloureux.
Ils ne pourront sans doute, pas plus que nous, se défendre d’évoquer en un rapide et tragique raccourci les terribles évènements d’alors.
L’agression brutale, longuement méditée, minutieusement préparée contre la France, qui toute à son idéal de paix, à son culte pour la justice et au respect des traités, ne peut se résoudre à croire possible un aussi abominable forfait.
Les déchirantes séparations, les départs vers la frontière déjà envahie, bien que reculée par extrême modération, les premiers engagements, les sanglants combats où la disproportion du nombre et du matériel se font péniblement sentir, l’absence de nouvelles des êtres très chers, l’angoisse poignante et trop souvent hélas ! la terrifiante nouvelle du deuil redouté, devenu affreuse réalité.
Les vaillants combattants que j’ai en face de moi nous rediront combien ceux qui étaient là-bas, soutenus par l’enthousiasme du devoir bien rempli savaient comprendre les peines des pauvres parents angoissés, et comme ils sentaient bien que s’ils enduraient de terribles souffrances physiques, vous supportiez des souffrances morales plus terribles encore, vous tous qui aviez là-bas au champ du sacrifice vos êtres les plus chers.
Combien d’entre eux ne sont pas revenus !
Nous voudrions à votre douleur immense, oh ! parents trop cruellement éprouvés, apporter quelque réconfort en vous disant leur vaillance, leur dédain superbe du terrible danger, leur héroïsme tour à tour calme et fougueux.
Mais il sera plus sage de ne pas entreprendre une tâche aussi gigantesque et de laisser vos imaginations guidées par vos coeurs, rêver tout ce qui peut se concevoir de plus grandiose, vous assurant simplement que, quelle que soit la sublimité de vos rêves, vous ne pourrez égaler l’inaccessible vérité de leurs hautes et précieuses qualités.
Chaque jour vous apportait un nouveau deuil. Cependant la décision tardait.
Mais voici qu’au moment où la victoire semblait s’éloigner irrémédiablement, en quelques jours les évènements sont renversés, les faits se précipitent, la nation coupable ayant dressé contre elle tout ce que l’univers avait d’indignation et ligué contre son ambition tout ce que le monde civilisé comptait de peuples appréciant le Beau, le Grand et le Juste, doit s’avouer vaincue en cette inoubliable journée du 11 novembre 1918, où l’affreux cauchemar prenait fin.
Le cauchemar sans-doute, les préoccupations non pas.
Aucune ne fut plus vive pour nous que le souci d’honorer dignement ceux qui, par leur suprême sacrifice, nous procuraient cet indicible bonheur.
Nulle forme ne nous semblait assez grandiose et assez pure pour perpétuer le souvenir de tant de sublimité.
L’inspiration supérieure d’un artiste au talent déjà affirmé dans maints monuments de même nature et en particulier celui, très beau, de Joinville-le-Pont, confirmé davantage depuis en un tout autre genre, le buste de Ronsard, devait nous apporter un secours tutélaire.
Avec une admirable maîtrise, M. Delpérier a su choisir parmi les sentiments qui se heurtaient en foule à nos esprits et à nos coeurs, deux données primordiales :
La paix par la victoire.
Le prix effrayant que nous a coûté cet inestimable bienfait.
Nous conserverons jalousement ce souvenir matériel des grandes choses passées, et aux heures graves, au pied de ce monument, nous viendrons nous recueillir.
Dans l’attitude modeste et digne de cette France récompensant ses défenseurs, nous saurons trouver des inspirations de modération, de mesure, de calme, de bonté.
Nous nous souviendrons que la véritable bonté est l’apanage des forts, tout comme largesse est le lot des faibles.
Attentifs à découvrir les mérites, nous nous efforcerons de les récompenser comme cette France récompense en son geste simple et généreux tous ses défenseurs.
Ceux trop rares revenus indemnes, ayant surmonté les pires fatigues.
Ceux, trop nombreux hélas, qui atteints en leur chair douloureuse, ont héroïquement supporté les pires souffrances.
Ceux enfin qui sont restés là-bas aux champs de gloire et de devoir.
Réfugiée au milieu d’eux, cette pauvre mère recueillie, prosternée, écrasée de douleur, pleure.
Nous saurons comprendre toute la douleur et toute l’éloquence de la prière que cette mère désolée semble adresser aux générations futures. Sa prière est tout à fait conforme à nos sentiments à tous.
Oh ! oui, dans l’avenir tout sera fait, plus longuement prévu et mieux organisé que par le passé pour éviter le retour d’un pareil fléau.
Il ne nous appartient pas de rechercher ici les moyens les meilleurs pour atteindre ce précieux résultat.
Dès avant la guerre, la France et ses alliés se trouvaient bien dans la voie qui semblait être la bonne en proposant à La Haye l’arbitrage obligatoire que l’Allemagne, déjà fixée en ses criminels desseins fit échouer.
Cette voie salutaire paraît heureusement reprise à Genève et nous pouvons espérer que l’union des peuples épris d’idéal de justice saura triompher de ceux qui sous des dehors trompeurs, cachent de noirs projets.
L’arbitrage obligatoire, soutenu et sanctionné par une organisation mondiale capable de faire respecter ses décisions semble bien le meilleur moyen d’arrêter en ses coupables projets toute nation assez folle pour oser concevoir l’abominable forfait qu’est la guerre, surtout si d’avance, elle est assurée qu’elle sera au ban de l’univers et qu’elle aura en face d’elle le monde civilisé tout entier.
Laissons à ceux qui en ont la charge écrasante le soin de résoudre ces angoissants problèmes.
Étroitement groupés autour de ce monument, résultat du concours de tous, objet des soins empressés d’un comité bien inspiré, à qui nous adressons l’expression de notre sincère gratitude, prêchons d’exemple en restant unis et disciplinés derrière ceux qui ont la mission de nous administrer, tout comme ceux que nous honorons restèrent unis, groupés, disciplinés, derrière les chefs qui les menèrent au succès et nous rendirent cette précieuse conquête, notre but suprême : la Paix.
Ce faisant nous rendrons à nos sublimes héros un suprême hommage en réalisant l’idéal qui les soutint en leurs luttes épiques : le bonheur sans cesse plus grand, la prospérité toujours plus complète de notre cher pays.”



Discours de M. Germain Soury, Président de l’Union des Mutilés :

“Aux enfants de notre commune tombés au hasard des batailles, à ces héros immortels, j’apporte aujourd’hui, au nom de leurs camarades mutilés, anciens combattants, l’hommage ému et sacré de notre admiration.
Nous vous pleurons, enfants de notre pays, vous dont les noms sont gravés aux faces de ce mausolée. Nous vous pleurons parce que nous vous aimions.
Vous qui êtes tombés, pour que nous puissions vivre. Vous qui par votre sacrifice avez fait la patrie plus grande. Vous avez voulu que notre France resta le pays de la liberté.
Pour perpétuer votre souvenir, vous qui n’êtes plus, pour que vos enfants et les nôtres, vos veuves, vos parents et nous-mêmes, pour que les générations présentes et à venir gardent profondément le culte sacré qui vous est dû, il fallait une image matérielle et impérissable, il fallait qu’un monument exaltant votre gloire, s’élevât à cette place.
Combattants, recueillons nous, saluons bien bas nos camarades tombés dans l’intense fournaise, que leur souvenir reste gravé dans nos coeurs, comme sur cette pierre.
Que leur mort qui a gardé notre indépendance soit le profond scellement de notre union.
Enfin un temps viendra sans doute où les peuples auront compris que la vraie force d’une nation doit être surtout une force de paix.
Nous ne voulons plus que nos enfants montent au sanglant calvaire.
Nous ne voulons plus que des mères, des pères, des veuves, des orphelins endeuillés pour toute leur vie, aient à pleurer suivant le caprice de la force brutale, et nous aspirons aux âges à venir, où il ne s’agira plus de mourir, mais bien de vivre pour la patrie.
Ainsi sera réalisé le testament que vous nous avez confié.
Ce jour-là, nous pourrons travailler à l’épanouissement de cette belle fleur, la France, qui sera pour nous l’unique patrie de lumière et de rayonnante liberté.
Gloire à vous, camarades immortels.”


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Hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie lors du premier conflit mondial :
- Rochechouart -



- Biennac -


Clichés C. Pierillas, reproduction interdite.
La liste de documents photographiques qui précède ne prétend pas à l’exhaustivité. Certaines plaques ont disparu, d’autres n’ont jamais été apposées. D’autres combattants ont été inhumés dans d’autres lieux.
Il était important cependant de figer dans le temps ces témoignages fragiles qui risquent pour certains de disparaître à tout jamais...




- Église de Rochechouart -


Le 17 avril 1921, dans l’église de Rochechouart, sont inaugurées les plaques commémoratives à la gloire des héroïques soldats tombés sur le front. Cette cérémonie est dirigée par M. le chanoine Ardant, ancien aumonier militaire, croix de guerre, chevalier de la légion d’honneur, assisté de M. le chanoine Southier, archiprêtre de Rochechouart. Tous les concitoyens étaient invités à assister en grand nombre à cette manifestation et rendre ainsi à ces hommes l’hommage qui leur est dû.
À 10 heures 30 précises, la “Société Harmonique” exécutait la “Marche Funèbre” de Chopin. Puis le voile couvrant la plaque était enlevé et M. le vicaire de Rochechouart faisait d’une voix forte l’appel des victimes. À chaque nom, une fillette répondait “mort pour la patrie !”, et déposait une couronne au pied de l’autel.
M. le chanoine Ardant, dans un éloquent discours, magnifia le suprême sacrifice des 71 héros de la paroisse, dit les raisons de consolation pour ceux qui les pleurent, qu’apporte la religion catholique.
Une messe suivie d’absoute, fut ensuite dite à l’autel du sacré coeur, offerte en témoignage de reconnaissance après la guerre.



- Église de Biennac -




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Ce que l’on aimerait ne plus voir


Il ne s’agit pas ici de prôner le passéisme à l’extrême. La société s’est transformée. Elle est devenue ce que les gens ont bien voulu, quoi qu’ils en disent, qu’elle soit.
Pourtant, cette scène (qui aurait fait scandale il y a quelques années...) montrant des personnes assistant à une manifestation à califourchon sur le monument aux morts et dans l’indifférence générale, interpelle.
Il existe encore, mais peut-être aura-t-il disparu du dictionnaire dans quelques années, le mot “respect”, “respect” qui va bien au-delà des cérémonies devenues obligées et stéréotypées du 11 novembre, “respect” pour tous ces jeunes gens qui ne demandaient qu’à vivre, et qui, à vingt ans, ont sacrifié leur vie, pour nous permettre aujourd’hui, d’assister librement à un spectacle, assis sur de “véritables” bancs publics.