Lhistorique du P.N. 9 remonte à la Révolution, époque où lune des plus importantes ressources industrielles de la Haute-Vienne résidait dans la
fabrication du fer.
Au cours de la décennie révolutionnaire (États Généraux du 5 mai 1789 - coup détat du 18 Brumaire par Napoléon Bonaparte, le 9 novembre 1799),
le nombre détablissements sidérurgiques ne connut pas de variation.
En 1801, le département possédait quatre hauts fourneaux et vingt-sept forges dont seize dans larrondissement de Rochechouart et onze dans celui de Saint-Yrieix.
Lentreprise que possédait M. Jude à La Rivière, commune de Champagnac, apparaissait comme lune des plus intéressantes aussi bien par le nombre
demployés que par la quantité de fer produit. Du haut fourneau construit en 1798, sortaient annuellement 200 tonnes de fonte qui nécessitaient 500 tonnes de minerai
provenant de la Dordogne et de la Charente, 210 tonnes de charbon de bois obtenues à partir des forêts voisines et 120 tonnes de castine prises à une vingtaine de kilomètres
(la castine est une pierre calcaire utilisée comme fondant et épurateur pour le minerai de fer).
Six personnes sactivaient à le faire fonctionner ce haut fourneau. Le produit de ses coulées alimentait trois forges : la Forge Haute, la Forge Basse et la Forge des Maudoux qui,
au total, livraient 200 tonnes de fer et fonctionnaient avec une quinzaine douvriers. Une partie de la production trouvait usage dans les environs.
Lentreprise de M. Jude à La Rivière rachetée par le groupe De Wendel nécessitait des moyens dapprovisionnement modernes et cest ainsi
quà la fin du XIXème siècle la décision fut prise de construire une voie ferrée.
LA COMPAGNIE DU P. O. DÉCIDE DE CONSTRUIRE LA LIGNE :
Des compagnies privées de transport ferroviaire existaient déjà depuis 1838 en France, comme celle du Paris-Orléans (P.O.) qui fut la réalisatrice de la
première ligne créée à cette date dans notre pays.
Ces compagnies privées, Chemin de fer du Nord, de lEst, du P.O., du P.L.M. (Paris-Lyon-Marseille) et enfin du Midi, assuraient seules la construction et lexploitation
de ces réseaux dont létat leur avait donné la concession.
Par la suite, des regroupements de ces compagnies eurent lieu, au fil des années et, le 7 juillet 1879, fut votée par les députés, une loi portant création
de 17 000 kilomètres de voies supplémentaires selon le plan Charles Louis Freycinet, Président du Conseil et ingénieur des mines, contemporain de Jules Ferry,
et lun des ses plus fidèles soutiens.
Cest à cette époque que fut décidée la construction de la ligne à voie unique, Bussière-Galant-Gare à Saillat-Chassenon, par la compagnie
du P.O..
Cette ligne sarticulait avec la ligne P.O. de Limoges à Périgueux à partir de la station de Bussière-Galant et lautre ligne du P.O. reliant Limoges
à Angoulême par Saint-Junien.
Elle passait par Châlus, Champsac, Champagnac la Rivière et son usine du Groupe De Wendel, Oradour-sur-Vayres, Saint-Laurent sur Gorre, Saint-Auvent - La Nouzille, Biennac,
le P.N. 9 et Rochechouart.
Pendant la construction en 1789 et 1880, les travaux se firent sur des terrains vallonnés, de constitution instable et irrégulière, ce qui nécessita des efforts
considérables. Il fallut créer dénormes remblais par-ci, creuser de non moins formidables tranchées par là, sans compter des ponts où la ligne passait
tantôt dessus, tantôt dessous. Et celà se faisait à bras dhommes, à la pioche, à la pelle, avec la brouette et les tombereaux puisque les moyens modernes
dont on dispose aujourdhui nexistaient pas.
La ligne Bussière-Galant - Saillat-Chassenon, portant le numéro administratif dexploitation 615, est ouverte officiellement à tous les trafics, le 31 Décembre 1880.
Elle sera exploitée par la compagnie du P.O. jusquau 31 Décembre 1937.
LA LIGNE EST RÉGIE PAR LA S.N.C.F. :
Le 1er Janvier 1938, toutes les compagnies privées de France disparurent par nationalisation d'intérêt public et furent regroupées sous la dénomination nationale S.N.C.F.,
la Société Nationale des Chemins de fer Français.
Durant la grande période dexploitation de la ligne, soit entre 1881 et 1938, il y avait trois trains par jour dans chaque sens, ce qui représentait 6 convois quotidiens.
Le domaine agricole était le principal utilisateur pour le transport de marchandises, notamment pour les bestiaux qui partaient vers les centres de vente et dabattage, vers les
marchés des grands centres urbains.
Les voyageurs sactivaient trois fois par jour autour des trains et embarquaient avec leurs marchandises, volailles ébouriffées et jacassantes, légumes à destination des
gens de la ville, de nombreux colis plus ou moins bien ficelés et souvent mal arrimés glissant dans les couloirs encombrés, dans une joyeuse effervescence de robes
sombres à passementeries et de claquements de sabots de bois des paysans.
Le transport des animaux nécessita la construction de quais dembarquement, pour un accès facilité vers les wagons à bestiaux qui stationnaient en permanence
sur les lieux de chargement, à la disposition des négociants à bestiaux et des éleveurs.
Le commerce des traverses de chemin de fer devint rapidement très florissant, en suscitant un grand mouvement dartisans et douvriers, la hache à la main pour façonner
les dites traverses avant leur examen par une commission dexperts chargés de les réceptionner avant leur utilisation.
LA BATAILLE DES BORDES :
Pendant la guerre la ligne connaît des évènements sanglants : ainsi, le 18 Juillet 1944, au petit matin, un mois et huit jours après le massacre dOradour sur Glane,
un train allemand se dirige vers Saillat-Chassenon. Il est composé dune locomotive qui pousse deux wagons devant elle et en tire deux autres à larrière
(les wagons mis à lavant sont destinés à être touchés les premiers, en lieu et place de la locomotive dans la perspective dun sabotage).
Ces wagons sont blindés, huit cheminots français et une quinzaine dhommes de larmée allemande, armés de fusils-mitrailleurs et de mitrailleuses accompagnent
le convoi, pour, renseignements pris, simplement faire parvenir la locomotive à Angoulême où ces machines manquaient cruellement.
Ayant eu connaissance du passage dun train allemand, le maquis décide de déboulonner les voies dans la forêt de Rochechouart. Le matériel nécessaire est
récupéré à la gare dOradour-sur-Vayres grâce à un chef de gare complaisant.
Deux rails sont déboulonnés près du village des Bordes. Le train arrive à vitesse très lente et, comme prévu, les deux rails déboulonnés
sécartent et le wagon de tête déraille et senchâsse dans le ballast.
Une fusillade éclate et le maquis manquant de munitions, décroche tout en suivant le train dans ses évolutions.
Les cheminots sont contraints de détacher le wagon déraillé et le train reflue vers La-Nouzille suivi par le maquis. Malgré des renforts, le maquis est attaqué
par les allemands, entre Puymoreau et La-Tronchaise. Leur chef, Pierre-André Lachaise, 23 ans,originaire du Breuil-de-Gorre, près de Rochechouart,
est tué.
Gênés par la présence de cheminots français, le maquis freine son action et le train revient vers Oradour-sur-Vayres.
Plusieurs autres convois de trains allemands circulant vers Bussière-Galant se sont arrêtés devant le P.N. 9. La présence du Pont de La Royère justifiait
ces arrêts pendant lesquels, des estafettes allemandes allaient vérifier le pont par crainte dexplosifs qui auraient été placés par les maquisards,
nombreux dans la contrée.
La garde-barrière en a été quitte pour de nombreuses frayeurs quand les allemands descendant du train arrêté patrouillaient autour de la maisonnette...
Mais le jeune bambin de 18 mois que jétais et quelle tenait dans ses bras nen a aucune souvenance !
LE DESTIN :
Le trafic se ralentit, concurrencé par le tramway départemental, en 1912, par le développement de lautomobile et la mise en place de lignes dautobus.
La S.N.C.F. décide la fermeture de la ligne Bussière-Galant - Saillat-Chassenon aux voyageurs, par arrêté du 29 Avril 1940. Cependant, cet arrêté ne
sera mis en application que quelques années plus tard, pour motif dutilité publique en raison de la guerre 1939-1945.
La ligne fut ensuite fermée au trafic marchandises entre Oradour-sur-Vayres et La-Nouzille le 5 Octobre 1952, puis entre La-Nouzille et Rochechouart, le 1er Juillet 1954.
Les parties de trafic conservées servirent à approvisionner lusine de Champagnac-la-Rivière par Bussière-Galant et lusine de papier carton ainsi que la poterie
à Rochechouart par Saillat-Chassenon.
Le P.N. 9 restait donc désespérément ouvert !
Sur ce tronçon supprimé, Oradour-sur-Vayres - Rochechouart, le déclassement de la voie ferrée, du domaine public de lÉtat vers le domaine privé de la SNCF,
fut prononcé par décret du 12 Novembre 1954, ce qui permit de faire passer lemprise de la voie à la direction des domaines de la S.N.C.F. qui assura la vente des terrains
aux communes ou aux riverains.
Les rails sont alors démontés, les traverses cédées aux riverains et le ballast composé de pierres de granit calibrées fut utilisé pour la construction
de routes dans la région. La maisonnette du P.N. 9, se composant dune cuisine et de trois chambres est achetée par ses occupants en 1954, et en loccurrence,
la garde-barrière, en poste depuis 1942, put continuer à sy loger avec son mari (décédé le 23 Mai 2000) et ses quatre enfants.
LES SOUVENIRS :
Ce récit peut paraître anodin, mais il est lié à une famille qui a vécu dans cette maisonnette, du P.N. 9, avec pour tout éclairage, une lampe
à pétrole (jusquen 1950), pour effectuer les tâches ménagères et les devoirs décolier.
Le passage à niveau, à son origine, servait pour le passage des vaches et des charrettes se rendant par le chemin de terre dans les prés et champs de part et dautre
de la ligne.
Le passage étroit, le passe-pied était utilisé si possible en dehors du passage des trains, pour se rendre à pied ou en vélo à Rochechouart
et à lécole de Biennac, les chemins menant au P.N. 9 étant impraticables.
Les lourds convois tirés par dénormes locomotives à vapeur ont écrasé de nombreuses poules effrayées cherchant à traverser ou ont
tout simplement aplatis les pointes ou pièces de monnaie posées sur le rail, un jeu pour nous les enfants !
Les coups de sifflets stridents, lâchers de vapeur, pour un amical bonjour des machinistes, faisaient sursauter. Le spectaculaire panache de fumée blanche ou terriblement noire
projetait des escarbilles que lon recevait dans les yeux et mettaient parfois le feu dans les prés secs lors des étés terriblement chauds,
où le puits du P.N. pas assez profond manquait deau.
La cloche qui par des tintements répétés, annonçait le départ du train de la gare précédente et lobligation de fermer les barrières,
était actionnée par le courant transporté par des fils téléphoniques maintenus par des isolateurs, les tasses en verre, sur des poteaux en bois.
Ces fils servaient également aux P.T.T. pour acheminer leurs circuits téléphoniques de ville en ville.
Les chemins de terre sont devenus routes, la ligne promenade piétonne, lélectricité brille de ses milles feux, se transforme en images et chauffe en harmonie avec le soleil,
leau froide ou chaude coule à la demande, le téléphone est devenu discret mais sonnait très souvent jusquau décès de la garde-barrière
le 27 Décembre 2017 ! Nostalgie ? Progrès ?
Jacques GOURDON -2018- (avec son autorisation)
|