La station de Saint-Laurent Saint-Auvent à cette époque.
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À gauche Mme Debord, responsable de la station. À droite, lhôtel restaurant en face de la gare.
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GARE DE SAINT-LAURENT SAINT-AUVENT : TÉMOIGNAGE DE DEUX FEMMES EMPLOYÉES À LA S.N.C.F. PENDANT LA GUERRE DE 1939-1945 :
La gare de Saint-Laurent Saint-Auvent est une gare de voyageurs et de marchandises.
Deux femmes font fonctionner la gare à cette époque : madame Anne Debord, veuve, chef de station et sa fille qui est employée.
Ces deux femmes ont pris leurs fonctions en 1942 à la Nouzille. Le mari dAnne Debord est mort au cours de la guerre de 14-18, la laissant seule
avec ses trois filles en bas âge à Angoulême. Anne Debord est entrée à la S.N.C.F. après le décès de son mari.
Les missions principales du chef de station (nomenclature SNCF) :
- Assurer la circulation des trains : cloches, P.N. (passages à niveaux), protection des trains, cantonnement.
- Renseignements horaires.
- Vente de billets voyageurs et expédition des bagages.
- Trafic marchandises (colis – wagons) : écritures, étiquetage des wagons.
- Gestion de la station (bureau, salle dattente...).
La gare est un lieu de vie très animé : des voyageurs, des soldats qui partent à la guerre ou qui rentrent de permission,
des refugiés qui arrivent. Des informations sont échangées car les gens communiquent beaucoup en cette période difficile.
Le trafic marchandise est le plus important : de nombreuses personnes viennent apporter des colis pour les soldats,
les prisonniers et les membres de leur famille qui ont faim dans des villes occupées comme Paris...
Beaucoup de limousins sont partis travailler à Paris avant la guerre.
Des réfugiés sont là, ils envoient aussi des colis à leur famille...
Les campagnes alimentent en nourriture les villes et les armées : tout part par le train.
Les tombereaux et remorques tirés par des vaches ou des chevaux font la queue pour décharger les récoltes dans les wagons, après la pesée sur la bascule.
Il faut aussi faire monter les animaux dans les wagons.
Madame Anne Debord et sa fille nont souvent pas eu le temps de manger à midi car il faut que tout soit embarqué avant le passage du train. Il prend les wagons pleins,
et il détèle des wagons vides mais aussi des garnis contenant les colis et les marchandises commandées et arrivées à destination.
Les commerces du quartier de la gare drainent beaucoup de monde :
- Un hôtel restaurant en face de la gare qui possède la bascule publique permettant de peser animaux, remorques et tombereaux pleins et vides
afin de connaître le poids des marchandises à expédier par le train.
- Un marchand de vin qui reçoit des tonneaux par le train. Il les livre ou bien les gens viennent les chercher. Sa famille tient un bar à côté du chai
juste en face de la gare.
- Un marchand de produits du sol qui reçoit la marchandise à la gare par wagon, notamment les engrais, le ciment, la chaux...
Il les revend ensuite dans les fermes ou à ceux qui se déplacent. La marchandise est stockée dans la halle de la station (PV).
- Un forgeron qui fabrique et répare tout ce qui est agricole et autres...
Les informations circulent entre les gens qui se rencontrent dans ces commerces.
Cette partie du Limousin, dapparence tranquille, va connaître des évènements tragiques.
Le massacre dOradour-sur-Glane a lieu le 10 juin 1944. Quelques jours après le massacre, Monsieur R. (marchand de produits du sol), habitué à parcourir la campagne,
propose aux gens du quartier de la gare daller à Oradour-sur-Glane avec son camion pour vérifier ce qui se dit.
La fille de madame Anne Debord et son amie qui tient le restaurant en face de la gare font partie de ce déplacement.
Tous ces gens reviennent meurtris et marqués à vie. Les maisons incendiées fument encore. Le village nexiste plus. Ils sont frappés par cette odeur
horrible qui se dégage des décombres. Ces deux femmes diront toujours quelles nauraient pas dû y aller. Les quelques mots quelles arrivent à dire
aux gens et plus tard à leur descendance, font comprendre que limpensable peut arriver, et quil est dur daffronter la réalité.
Dans le secteur, le maquis est très présent, les soldats allemands sont sur leurs gardes.
Anne Debord a fait passer de nombreux convois militaires allemands dans la gare quelle tenait auparavant dans la Vienne entre le Vigeant et Lussac-les-Châteaux
avant dêtre mutée dans cette station en 1942.
Le Vigeant était un camp militaire allemand. Chars et autres matériels lourds et soldats, transitaient par le train du Vigeant vers Lussac les châteaux
et Poitiers ou en sens inverse.
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LATTAQUE DU TRAIN BLINDÉ ALLEMAND DANS LA FORÊT DE ROCHECHOUART :
Le 18 juin 1944, le train blindé allemand en provenance dOradour-sur-Vayres, se déplaçant à vue (moins de 30 Km/h), arrive à la Nouzille
avec fusils mitrailleurs en position de tir.
Madame Anne Debord, habillée en noir, est sur le quai, seule face au train comme sa fonction lexige. Sa fille reste dans le bureau de la gare.
Le train dans un silence pesant traverse la gare en direction de Rochechouart vers la forêt quil doit traverser avant larrivée dans cette dernière ville.
Peu de temps après, les gens de la Nouzille sont prévenus quils sont en danger, car le train a été attaqué par les maquisards dans la forêt
à moins de trois kilomètres de là...
Les maquisards ont dû battre en retraite. Les soldats allemands sont lourdement armés et très déterminés. Le combat a été violent et il y a des blessés.
La partie du train non déraillée va repartir en marche arrière vers Oradour-sur-Vayres car la locomotive à larrière du convoi est intacte ainsi que plusieurs wagons.
Tous les gens de la Nouzille partent très vite dans les bois. Madame Anne Debord et sa fille restent à leurs postes comme le service lexige,
même en cas de danger, pour le personnel S.N.C.F..
Les soldats allemands peuvent vouloir arrêter le train sur la voie de garage ou bien attendre du renfort par la route. Tout est possible...
Il faut aussi annoncer à la gare dOradour-sur-Vayres que le train repart dans leur direction.
Monsieur R. (marchand de produits du sol) apprend la nouvelle. Il voit les gens partir. Il dit aux personnes qui fuient : on ne peut pas laisser ces deux femmes seules !.
Il nobtient aucune réponse.
Anne Debord, femme de devoir, ordonne à sa fille de monter dans le grenier et de bien se cacher. Cette dernière ne veut pas laisser sa mère seule.
Cette dernière lui lance de nouveau rapidement cet ordre dune voix ferme, sans appel possible : monte, tu as ta vie à faire, toi !.
Monsieur R. arrive. Il reste dans le bureau, hors de vue du quai. Elles se souviendront toujours de son courage et de son soutien moral.
La seule personne que le convoi rencontre, après le déraillement, à la sortie de la forêt et après lembuscade, est madame Anne Debord, très
digne, sur le quai de la gare.
Le train passe très lentement. Les allemands surveillent tout. Anne Debord est dans le viseur des fusils pendant longtemps, même lorsque le train séloigne.
Ils ne tirent pas. Anne Debord aperçoit des soldats allemands blessés allongés sur le wagon plate-forme avec dautres soldats en position de tir.
Elle sait de par ce quelle a vécu quune guerre détruit des hommes et des familles.
Il ny avait pas de danger dans cette gare pour ce train allemand. Ces soldats ont eu la dignité de ne pas se venger sur une civile de façon brutale
après lattaque quils venaient de subir. Tout était possible à ce moment là de la guerre vu ce qui venait de se passer à Oradour-sur-Glane dix jours plus tôt.
LAPRÈS-GUERRE :
À la fin de la guerre, Anne Debord et sa fille voient revenir par le train, les prisonniers, les soldats, les déportés des camps de concentration.
LAbbé Elias, curé de Saint-Auvent, a fait le vœu de construire un petit Lourdes si tous les hommes de Saint-Auvent revenaient vivants
de la guerre, ce qui a été le cas.
Après la guerre, les statues pour le site catholique de Saint-Auvent arrivent par le train.
La statue de la Sainte Vierge est attendue par une foule importante à la gare. Cette statue de la vierge est portée par des hommes
de la gare jusquà Saint-Auvent et suivie en procession par les paroissiens qui chantent et récitent des prières conduits par lAbbé Elias.
La statue de la vierge appelée Notre Dame de la Paix sera placée dans le sanctuaire de la grotte de Saint-Auvent.
***--Souvenirs de la fille dAnne Debord, recueillis et rédigés par sa plus jeune petite fille (publiés sur ce site, avec son autorisation)--***
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