Retour page d’accueil

La terrible tempête de février 1935


     C. Pierillas -reproduction interdite-







Dans la nuit du 22 au 23 février 1935, une tempête extrêmement violente s’est abattue sur toute la région, causant d’innombrables dégâts.
Succédant à une période de dépression atmosphérique (à tel point que le baromètre descendit à 722), elle débuta le vendredi soir 22 février vers 22 heures 30 pour atteindre toute sa violence le samedi 23 février entre 3 et 4 heures du matin.
Le vent soufflant de l’ouest et du sud-ouest faisait rage et quelques éclairs déchiraient le ciel.
Les maisons étaient secouées sur leurs assises, les toitures soulevées. Les tuiles, les ardoises, les cheminées, les dalles arrachées projetées dans les rues, s’écrasaient avec fracas.
Enfin le jour pointa, le calme revint et l’on put constater les dégâts...
Les lignes électriques, téléphoniques et télégraphiques sont coupées, les arbres renversés obstruent les routes, les trains ne peuvent circuler ou n’arrivent qu’avec plusieurs heures de retard.
À Rochechouart, le château a été particulièrement endommagé. La grande cheminée de l’aile droite s’est abattue sur la toiture. Elle est tombée dans la cave traversant plafonds et planchers et entraînant dans sa chute les bureaux du Greffe et de M. le Juge-Résident qui se sont pratiquement effondrés.
Les archives ont pu être récupérées grâce à la surveillance de M. Dubois, Juge-Résident et à l’activité déployée par M. Michel, Greffier, et le concierge M. Gorre.
Aux “allées” des tilleuls déracinés obstruent l’entrée. Des branches jonchent le sol.
Deux cheminées de la gendarmerie sont renversées. Rue Dorée, les tuiles de la maison Simon ont été balayées par la bourrasque.
De la maison de M. Mouty, à “La Fabrique”, il ne reste que les murs. Les malheureux propriétaires ont été contraints de se réfugier chez les voisins. Parmi les principaux sinistrés on signale aussi Mrs Zemme aux “Brousses”, Lavergnas à Roumagnac.
À la manufacture de chaussures des établissements “Proust Michel et Cie”, la tempête qui a sévi dans la nuit du 22 au 23 février a provoqué des dégâts nombreux et importants.
Les deux grands sapins à l’entrée de l’allée qui conduit à l’usine ont été l’un renversé, l’autre fortement ébranlé. Les fils téléphoniques ont été coupés par la chute du grand sapin, les toitures des différents ateliers endommagées très sérieusement notamment celle du grand bâtiment parallèle à la route.
Une équipe d’ouvriers a pu réparer provisoirement les dégâts dans les journées de samedi et dimanche. Heureusement, il n’a été constaté à l’intérieur, en ce qui concerne la chaussure et les matières premières, aucune avarie.
Les dégâts sont évalués à plusieurs milliers de francs. Tous les hangars, toutes les couvertures en tuiles plates ou ardoises, sont endommagés.



Les arbres arrachés à l’entrée des “allées”

Aux bâtiments communaux, abattoirs, écoles, il y a pour 6000 à 10000 francs de dégâts.
Quelques ardoises du clocher sont emportées, le préau de l’école libre est en partie démoli.
Les parcs de Mrs Rougier, Duvoisin, Grandchamp, Desbrosses, ont beaucoup souffert de la tempête, tandis que celui des Demoiselles Du Chouchet a été anéanti. De tous les grands arbres qui l’ombrageaient, il ne reste que 7 ou 8 sapins.
Des cèdres gisent à terre, les racines soulevées à 7 ou 8 mètres au-dessus du sol.
Dans la campagne on signale de nombreuses chutes d’arbres, notamment d’arbres fruitiers.
Les communes de Chéronnac, St-Gervais, Videix, Les Salles-Lavauguyon et Vayres n’ont pas été épargnées : partout, des maisons démolies, des arbres renversés. À Villechenon, tout un taillis de chênes est arraché.
La route de St-Junien à Rochechouart a été réouverte à la circulation samedi à 9 heures grâce à la diligence des propriétaires riverains et des cantonniers. Celle de Vayres à Oradour était obstruée par une centaine d’arbres. Elle n’a pu être dégagée que plus tard.
La Gorre, la Graine et la Vayres ont débordé, inondant les propriétés avoisinantes.



L’aile droite du château vue des “allées” :
on remarque le trou fait dans la toiture par la chute de la grande cheminée




  Retour haut de page

La tempête dans les communes voisines



À Saint-Junien :

Dans les rues, tuiles, ardoises et dalles jonchent le sol. Un des échafaudages du clocher en reconstruction s’est abattu sur la toiture de l’église, écrasant les tuiles.
À l’usine Dussoulier une partie de la couverture manque. Un garage appartenant à M. Courtiaud a subi de gros dommages : ardoises et charpente ont été emportées par le vent.
À Boisse toutes les constructions sont atteintes, notamment une bergerie. Les moutons erraient dans la campagne. Seule une bâtisse datant de 3 ou 4 siècles a résisté.
Dans un autre village, une grange s’est effondrée, ensevelissant 12 bêtes à cornes, perte ruineuse pour le fermier.
À Saillat-sur-Vienne une haute cheminée de la nouvelle usine des matières tannantes s’est écroulée. La Vienne est en crue et l’on redoute des inondations.

À Saint-Laurent-sur-Gorre :

Beaucoup de démolitions et de dégâts dans les champs.

À Oradour-sur-Vayres :

Comme partout, on signale de nombreux ravages du vent qui augmente la détresse de la population rurale déjà si douloureusement éprouvée par la crise.

À Saint-Mathieu :

La tempête a été d’une extrême violence et les dégâts sont nombreux.
Un correspondant du journal local habitant Milhaguet écrit :
“Dans la nuit du 22 au 23, un ouragan d’une violence inouïe s’est abattu sur Milhaguet et ses environs. Des toitures ont été enlevées, des cheminées démolies, des arbres déracinés ou cassés. L’autobus assurant le service des voyageurs et des dépêches a subi un retard de 5 heures par suite de l’encombrement des routes.”

À Limoges :

Des arbres et des cheminées ont été renversés. C’est surtout dans la banlieue que la tempête a fait rage, plus particulièrement au Vigen où toute la partie supérieure de l’usine de conserves “Mayéras” a été enlevée par la tornade.

À Châlus :

Parmi les nombreux dégâts occasionnés par le cyclone, les écoles ont été particulièrement éprouvées. Le pavillon central a eu sa toiture arrachée. Quatre cheminées se sont effondrées, enfonçant la partie de toiture qui n’avait pas été arrachée.
Les logements des maîtres sont entièrement découverts. Les logements menacés ont dû être évacués.
Les matériaux arrachés jonchent le sol, donnant à cette partie de la ville un aspect particulièrement lamentable. C’est un miracle que l’on ait pas eu à déplorer d’accident de personne parmi le nombreux personnel de l’enseignement habitant l’édifice.


  Retour haut de page

Dans les départements voisins



En Dordogne :

De tous côtés les agriculteurs, déjà très sévèrement touchés par la crise, sont dans la désolation. Les noyers, si fragiles, n’ont pas résisté à l’assaut du vent, et dans certaines régions du Périgord il n’en reste plus un seul debout.
Tout le canton de Montpon a été touché, l’arrondissement de Nontron également.
À Brantôme, la Dronne déborde. À Busserolles, les conducteurs d’autobus durent se munir de scies pour se frayer un passage sur les routes. Le spectacle du cimetière est lamentable.
À Javerlhac, on a aperçu de nombreuses mouettes, refoulées par la tempête. À Jumilhac, l’aile droite du vieux château a particulièrement souffert. À Champniers-Reilhac un gros peuplier s’est abattu sur une maison près de la gare. À Bussière-Badil plusieurs arches des cloîtres ont été démolies.

En Charente :

Très nombreux dégâts :
À Chabanais, l’église Saint-Sébastien a été endommagée. La moitié de la charpente et de la toiture du marché couvert a été emportée. Huit platanes de l’avenue de la gare se sont abattus sur les maisons voisines occasionnant de sérieuses avaries à ces constructions.
Sur les côtes de l’océan on signale de nombreux navires en perdition.


  Retour haut de page

Les équipes se mobilisent



Des équipes de spécialistes ont travaillé toute la journée du 23 et 24 février. Dimanche vers 20 heures, le courant électrique était rétabli.
De même le circuit téléphonique avec Limoges était reconstitué tard dans la soirée. Grâce à la construction toute récente de liaisons téléphoniques souterraines, Limoges a pu rester en communication avec Paris.
Toutes les autres liaisons ont été détruites ce qui a obligé à utiliser la voie postale pour l’acheminement de nombreux télégrammes.
Dans la journée du 25, les relations inter-départementales ont été rétablies, soit directement, soit par voie détournée.
Dans le département de la Haute-Vienne, les télégrammes sont transmis dans des conditions à peu près normales avec les localités dont les circuits téléphoniques ont été rétablis. Pour les autres localités du département, les télégrammes sont acheminés par le plus prochain courrier postal qui suit leur arrivée à Limoges.
La pluie continue, le vent souffle par rafales. Malgré ce mauvais temps on tente de réparer provisoirement les immeubles endommagés.


Isochrones de la tempête pour la nuit du 22 au 23 février 1935 (document Météo Paris)



  Retour haut de page

Des secours pour les sinistrés Limousins



Ému de l’étendue des dégâts provoqués en Limousin par la récente tempête, M. Bardon, député de Bellac, a déposé sur le bureau de la Chambre avec demande de discussion immédiate la proposition de résolution suivante :
“Depuis trois jours des cyclones se sont abattus sur plusieurs régions françaises, y créant des dommages considérables.
Il nous a été donné notamment de parcourir la région Centre-Sud et d’être témoin de la dévastation effroyable provoquée par la tempête, et du désarroi poignant des populations éprouvées. Il appartient au gouvernement de prendre de toute urgence les mesures de solidarité nationale qui s’imposent et de venir en aide aux sinistrés.
Deux mesures immédiates nous semblent nécessaires :
1- L’attribution de secours d’extrême urgence pour cas de dénuement constaté.
2- La suspension des poursuites et du recouvrement des impôts pour les sinistrés.
Dès que les renseignements permettront d’apprécier l’étendue du désastre et le chiffre approximatif des dégâts, un projet devra être déposé ouvrant les crédits nécessaires dans le mode qui fut employé pour les sinistrés du Midi ces dernières années.
Nous avons donc l’honneur de vous soumettre la proposition de résolution suivante :
La chambre invite le gouvernement à prendre toutes mesures de solidarité nationale qui s’imposent en faveur des sinistrés des cyclones de ces jours derniers, notamment à procéder :
1- à l’attribution de secours d’extrême urgence.
2- à la suspension immédiate des poursuites et du recouvrement des impôts des sinistrés.
3- à déposer un projet d’ouverture de crédit.”

Lors de la séance du Conseil Général de la Haute-Vienne en date du 14 mai 1935, une dépense de 32000 francs pour laquelle l’état devra contribuer selon la règle habituelle, est votée pour les travaux de réparation du château de Rochechouart conséquences de la tempête de Février.

    Sources : “L’Union du Centre” -1935-


  Retour haut de page